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Partage d'énergie rencontre avec la CWaPE

(dernière mise à jour 28/07/2025)
24 juillet 2025 par
Partage d'énergie rencontre avec la CWaPE
Simon LOUVIAUX Gal


Énergie partagée : quels freins et quelles pistes pour les communautés en Wallonie ?

Le partage d’énergie et la création de communautés énergétiques locales représentent une opportunité concrète pour les citoyens, les communes, les PME et entreprises, les agriculteurs, les écoles ou encore les sociétés de logement social de participer activement à la transition énergétique. Pourtant, en Wallonie, ces initiatives restent encore peu nombreuses.

Pourquoi ? Lors d’une réunion d'échange récente avec la CWaPE (le régulateur wallon de l’énergie) dans le cadre de la publication du livre blanc sur le partage d'électricité en Wallonie, à laquelle nous avons participé en tant que représentants des neuf chargés de mission énergie des GAL, plusieurs obstacles techniques, réglementaires et économiques ont été discutés. Les trois premiers enjeux concernent directement les actions ou compétences de la CWaPE.

1. Lever les freins techniques à l’injection partagée

Le premier point discuté concerne la distinction entre injection et prélèvement d’électricité sur un même site. Aujourd’hui, une communauté qui installe des panneaux photovoltaïques sur un bâtiment tiers (comme une école) ne peut pas valoriser elle-même l’électricité non consommée localement. En effet, vu la facturation à ce tiers des volumes autoconsommés, celle-ci est considérée comme une fourniture directe, dont le surplus non autoconsommé et injecté sur le réseau ne peut pas être valorisé dans le cadre d'une activité de partage .

La CWaPE identifie une possible évolution en deux étapes :

  • la révision du règlement technique qui introduira la possibilité de désigner deux personnes disctinctes comme titulaires des codes EAN (code unique qui identifie un point de raccordement au réseau électrique) : une pour l’injection, une autre pour le prélèvement. Cela permettra à deux utilisateurs de réseau différents d’être identifiés séparément, ce qui lève un verrou important pour le développement de projets collectifs;
  • une adaptation du décret électricité serait ensuite nécessaire pour permettre la valorisation, dans un partage d'énergie, du surplus d'une fourniture en ligne directe injecté sur le réseau.  

Cette évolution serait particulièrement utile pour les sociétés de logement public ou les copropriétés, à condition de préserver l’autonomie de la communauté : l’électricité produite par les communautés doit rester sous le contrôle des citoyens, et non être récupérée par des fournisseurs classiques pour en faire une nouvelle forme déguisée de fourniture commerciale.

2. Partage d’énergie : bénéfique pour le réseau… ou pas ?

L’un des arguments souvent avancés pour encourager les communautés d’énergie est qu’elles soulagent le réseau électrique : consommer sur place ce qu’on produit localement, cela semble logique… mais ce n’est pas si simple.

La position de la CWaPE : il n'y a pas de bénéfice automatique. La CWaPE rappelle que, pour la Commission européenne, toute réduction de tarif de réseau doit correspondre à un bénéfice réel et mesurable pour le système électrique. Le tarif doit correspondre à une réalité technique et de fonctionnement de marché. Pour rappel, le tarif est par ailleurs sociétalement mutualisé. Autrement dit, participer à du partage d'énergie ne justifie pas, à lui seul, un traitement tarifaire avantageux et, surtout que les retours actuels des projets pilotes n’indiquent pas d’effet bénéfiques à ce stade. Il en serait autre, nous rappelle la CWaPE, si les participants au partage offraient des services au réseau. 

Pour qu’il y ait un vrai gain pour le réseau, il faut que les membres de la communauté adaptent leur comportement de consommation : par exemple, en consommant davantage pendant la journée (quand les panneaux produisent), ou en réduisant leur pointe de consommation.

Dans ce contexte, la CWaPE a conçu une nouvelle structure tarifaire, appelée tarification incitative renommée récemment en "tarif Impact". Elle vise à encourager les consommateurs à adopter des comportements plus efficaces du point de vue du réseau (ex. : consommer pendant les heures creuses ou solaires).

Nous avons partagé deux constats importants avec la CWaPE :

  • Des entreprises prêtes à s’engager sont découragées par la complexité administrative actuelle et par l’absence d’incitants économiques. Résultat : elles préfèrent se tourner vers des solutions plus simples comme la fourniture en ligne directe ou l’installation de batteries individuelles, en dehors du cadre du partage.
  • Les communautés locales peuvent pourtant transformer davantage les comportements et pourraient avoir des impacts plus conséquents pour le réseau. À Bruxelles, les communautés publient chaque mois des rapports de consommation collective, ce qui pousse leurs membres à changer leurs habitudes. Une étude menée par Brugel (BRUGEL-Etude-20231003-45bis), sur base d’un cas concret (Greenbizz.energy), met en évidence que le partage d’énergie permet une réduction effective de la contribution des participants à la pointe du réseau. Ce phénomène contribue à limiter l’augmentation de la demande de pointe liée aux nouveaux usages (tels que la recharge de véhicules électriques ou l’électrification du chauffage), ce qui pourrait retarder la nécessité d’investissements de renforcement du réseau par le gestionnaire de distribution (GRD).

Si les plages horaires dites « favorables » sont les mêmes dans les deux cas, tarification incitative ("impact") et partage d’énergie, on pourrait légitimement s’attendre à ce que les participants à du partage d'énergie profitent eux aussi d’un tarif avantageux. D’autant plus que l’énergie consommée au sein d’une communauté renouvelable l’est pendant les heures solaires. Pourtant, ce n’est pas le cas. Pourquoi cette différence de traitement ?

Probablement parce que le tarif "impact" a été conçu pour équilibrer les gains économiques et éviter des effets d’aubaine trop importants. En effet, la plupart des citoyens ne peuvent pas reporter l’ensemble de leur consommation vers les heures solaires sans réaliser des investissements conséquents (comme l’installation de batteries ou d’appareils de pilotage intelligent). Ce tarif inclut également des surcoûts importants pendant les périodes de forte demande, ce qui n’est pas prévu dans le cadre du partage d’énergie. Le modèle vise donc avant tout à encourager les ménages équipés pour la flexibilité et c’est principalement la demande de pointe (le pic de consommation) en fin de journée qui inquiète les GRD moins les pics de production de midi.  

Le soutien aux solutions individuelles, comme les batteries domestiques, risque de se faire au détriment des infrastructures collectives, notamment le réseau de distribution. En effet, avec une batterie individuelle, un ménage moyen peut doubler son taux d’autoconsommation, passant de 35 % à environ 70 %, ce qui réduit d’autant sa dépendance — et sa contribution — au réseau.

Dans ce contexte, nous avons suggéré que les communautés d’énergie pourraient représenter une alternative plus équilibrée : elles offriraient la possibilité de bénéficier d’un tarif réduit sans devoir investir individuellement dans une batterie, tout en restant utilisateurs du réseau. Cela permettrait de préserver leur contribution au financement des infrastructures collectives, tout en encourageant une gestion plus solidaire et mutualisée de l’énergie.

 3. Un cadre administratif trop lourd 

L’un des autres freins identifiés est la lourdeur administrative liée à la mise en place ou à la modification d’un projet de partage d’énergie. Les démarches sont souvent longues, complexes et peu accessibles aux citoyens ou petites structures, comme les copropriétés ou les associations de quartier.

La CWaPE rejoint la nécessité de simplifier le cadre actuel et propose dans ce cadre de notamment transférer certaines modalités pratiques de l’AGW vers le règlement technique. Ce dernier pourrait être modifié rapidement, ce qui permettrait d’adapter plus facilement les procédures à la réalité du terrain.

Parmi les pistes envisagées (lesquelles nécessitent au minimum une modification de l'AGW communautés et partage voire décrétale):

  • la suppression de certaines étapes jugées inutiles,
  • la simplification des échanges avec les GRD (gestionnaires de réseau de distribution) ',

Exemple : la convention entre le GRD et le représentant de partage, jugée redondante, pourrait être supprimée.

4. Un coût injustifié pour certains participants ?

Bien que ce point ne soit pas du ressort de la CWaPE, nous avons abordé les frais facturés par certains fournisseurs aux membres de communautés d’énergie, pouvant atteindre 150 € par an.

Ce coût est lié, entre autres, à une absence d’automatisation dans la plateforme Atrias (système fédéral belge centralisant les échanges de données énergétiques entre les acteurs du marché). Comme les volumes d’énergie doivent être corrigés manuellement, certains fournisseurs répercutent ce traitement sur leurs clients. Ces frais sont très dissuasifs, en particulier pour les petits consommateurs qui ne peuvent absorber se surcoût (par exemple, les ménages qui consomment moins de 3 500 kWh/an pour qui le modèle devient dès lors peu voire non rentable).

À Bruxelles, où se sont les communautés qui sont redevables des frais réseau sur les volumes partagés, le GRD (Sibelga) envoie les données nettes aux fournisseurs, ce qui évite ce coût. Cette méthode n’est pas totalement conforme à Atrias, mais elle a été acceptée par le régulateur bruxellois (Brugel). En Flandre, où le modèle est identique à celui mis en oeuvre en Wallonie, le même problème existe, ce qui pourrait accélérer une réforme au niveau national.

Plusieurs pistes ont été discutées pour réduire ce surcoût et rendre le modèle plus accessible :

  • Faire évoluer Atrias pour qu’il puisse traiter à la fois les données brutes et nettes, ce qui permettrait d’automatiser les processus chez les fournisseurs. Aucun calendrier n’est encore fixé, mais la demande est urgente.
  • Exonérer les activités de partage d'énergie renouvelable de l'obligation de restitution des quotas de certificats verts pour compenser les coûts.
  • Favoriser la négociation collective avec un fournisseur pour obtenir des conditions tarifaires avantageuses.



Avec la mise en œuvre de la nouvelle directive européenne sur le marché de l’électricité, la Wallonie devra adapter son cadre législatif. Cela peut être l’occasion de repositionner les communautés d’énergie au cœur de la transition : comme leviers à l’échelle locale de gestion intelligente, de maîtrise collective de l’énergie et de renforcement de la résilience face aux enjeux climatiques.

En attendant, nous sommes à votre disposition pour vous aider au mieux dans le cadre en vigueur.

Partage d'énergie rencontre avec la CWaPE
Simon LOUVIAUX Gal 24 juillet 2025
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