Nous étions dimanche dernier à Chanxhe pour célébrer les 10 ans de Cociter
Ce dimanche 28 septembre, nous étions aux côtés de la coopérative Condroz Energies Citoyennes à Chanxhe pour célébrer les 10 ans de Cociter (Comptoir Citoyen des Énergies), le fournisseur d’électricité renouvelable des coopératives citoyennes actif depuis 2015.
Les coopératives productrices d'énergie ne peuvent vendre leur production aux consommateurs sans une licence de fourniture. Elles ont donc décidé de créer la coopérative COCITER, qui est un fournisseur d’électricité en Wallonie, qui leur permet de vendre leur électricité verte et renouvelable à leurs coopérateurs. Ainsi, grâce à COCITER, le circuit court de l’électricité est bouclé : il lie directement la production citoyenne à la consommation locale.
Pour célébrer cet anniversaire, balades sur le Ravel, visites commentées, barbecue, animations, … étaient proposés sur le site de la plateforme Infrabel à Chanxhe (Sprimont). Ce fut l’occasion d’échanges sous le soleil pour comprendre comment nous pouvons produire de l’électricité verte et quels défis nous devons relever (production intermittente, stabilisation de la fréquence, stabilisation du réseau, crues, débits, ...).
Le GAL Pays des Condruses et la coopérative Condroz Énergies Citoyennes entretiennent des liens historiques forts. C’est l'occasion de revenir sur la genèse de cette coopérative agréée comme entreprise sociale.
Historique de la Coopérative Condroz Énergies Citoyennes (CEC)
La Coopérative Condroz Énergies Citoyennes (CEC) a été fondée en 2013 sous la forme d’une association de fait réunissant des acteurs locaux (ADL, communes, GAL, citoyens, …) désireux de soutenir la transition énergétique dans la vallée du Hoyoux, une région riche en anciens moulins et disposant d’un fort potentiel de production hydroélectrique.
(photo de 2014 avec les premiers acteurs locaux à l'origine de l'initiative)
L’objectif initial était de mobiliser des fonds pour rénover ces anciens moulins et développer des projets hydroélectriques.
Un citoyen pionnier, Serge Devetter, s’était déjà lancé dans l’aventure en construisant sa propre centrale hydroélectrique sur le Hoyoux et en créant la société SPRL Waldor.
Steve Francis, chargé de mission économie, et Marc Wauthelet, chargé mission eau au GAL Pays des Condruses, ont coordonné l’étude des sites à potentiel énergétique présents sur le territoire. Plusieurs sites réellement exploitables ont ainsi été identifiés :
- Le site des Avins (Clavier) qui abrite une ancienne
roue à aubes Sagebien de 9,20 mètres de diamètre, utilisée pour pomper
l’eau des captages du fond de vallée vers les réservoirs situés en
hauteur, jusqu’en 1976. La diminution du débit suite aux captages vers
Bruxelles ne permettait plus son exploitation.
- Le site de Maseyek (Marchin) : Ce site industriel offre une chute de plus de 3 mètres, exploitable pour la production d’hydroélectricité.
Un crowdfunding a été lancé, permettant de récolter 4 235 € pour financer les études techniques et de faisabilité de la réhabilitation de l’ancienne roue à aubes des Avins (jusqu’à la demande de permis), ainsi que pour la création de la coopérative citoyenne en 2014. Dans ce modèle coopératif, chaque coopérateur, quelle que soit sa part, dispose d’une voix lors de l’assemblée générale. Cela garantit une gouvernance équitable et transparente, empêchant la domination par les acteurs les plus puissants. À cette somme s’ajoutent 4 500 € d’aide au développement de projet via le programme européen RESTOR Hydro, qui soutient la revitalisation des infrastructures hydroélectriques anciennes.
Ces premiers projets n’ont pas (encore ?) pu se concrétiser en raison de plusieurs obstacles. Pour les Avins, la rénovation de la roue présente beaucoup d’incertitudes et offrirait un rendement énergétique faible. Un nouveau projet bien plus réaliste a été proposé : installer une petite turbine hydraulique à l’aval de la roue, sans dénaturer cette dernière. Mais ce projet n’a pas reçu le soutien de l’ensemble des acteurs de la CIESAC (l’intercommunale responsable de la gestion de l'eau des Avins) à qui appartient le site. Du côté de Marchin, des négociations infructueuses dans un premier temps avec ArcelorMittal, propriétaire du site, n’ont pas permis au projet de voir le jour. Ensuite s’est ajoutée l’inflation des coûts, plus que doublant l’investissement nécessaire.
Face à ces obstacles, la coopérative a décidé de rediriger ses efforts vers d'autres projets plus prometteurs.
Le GAL avait réalisé en 2009 une étude sur le potentiel d’installation d’unités de biométhanisation sur son territoire,19 sites ont été analysés. À la suite de cette étude, 4 études de faisabilité ont été réalisées et sur ces 4 projets, un seul a pu émerger : le projet d’Ochain Energie en coopération avec la maison de repos « Château d’Ochain ».
En 2015, Condroz énergie citoyenne se lance dans le projet de biométhanisation « Ochain Énergie » (Clavier), aux côtés de la coopérative citoyenne Émissions Zéro, d’un agriculteur local, Grégory Racelle, et d’une entreprise liégeoise de co-génération, Coretec. En 2024, suite au retrait de Coretec, CEC saisit l’occasion d’augmenter son investissement dans Ochain Energie.
Puis, en 2018, CEC rejoint Émissions Zéro et 9 autres coopératives au sein de la coopérative HOSe (Hydroélectricité d'Ourthe et Sambre) (plus d’info : https://sofico.org/une-nouvelle-centrale-hydroelectrique-a-liege-pour-produire-lequivalent-de-la-consommation-annuelle-de-1-300-menages/), permettant notamment la réalisation de la centrale hydroélectrique de Chanxhe que nous avons pu redécouvrir ce dimanche.
Avec une hauteur de chute de 2,35 m, un débit moyen de 40 m³/s et une puissance installée de 420 kW via deux vis d'Archimède, cette centrale génère environ 1.600 MWh/an, soit l’équivalent de la consommation de 300 ménages. Elle représente un investissement de 2,5 millions d’euros ! Dix coopératives citoyennes participent à ce partenariat, détenant ensemble 50% du capital de HOSe. Le reste du capital est détenu par Hydro-B, société spécialisée dans la construction et la maintenance de centrales de basse chute, qui est également le propriétaire initial des concessions sur la Sambre et l’Ourthe, en plus de son rôle de partenaire technique et opérateur des centrales.
Comme nous l’a expliqué Sébastien ERPICUM, professeur à l’Ecole d’ingénieurs de l’ULiege et spécialiste en hydraulique et constructions hydrauliques, le site de Chanxhe était prédestiné à la production d’hydroélectricité. La chute a été créée à peu près en même temps que la Belgique lors des travaux entamés sous le règne de Guillaume d’Orange (1815-1830) pour transformer l'Ourthe en une voie navigable permettant de relier la Meuse au Rhin via l’Ourthe et la Moselle. C’est sur un des vestiges de ce projet pharaonique, le barrage de Chanxhe, qu’a été construite la centrale hydroélectrique.
La centrale a été touchée par les inondations de 2021, qui ont inondé le bâtiment et sérieusement endommagé les systèmes électroniques. L'assurance a pris en charge les dégâts, et l’installation a pu être remise en route rapidement, la mécanique et le génie civil ayant globalement très peu soufferts. Des dispositions ont également été prises pour renforcer la résilience de la centrale face à de telles crues extrêmes à l'avenir.
Ces deux projets (Ochain Energie et HOSe) constituent de belles réalisations à l’actif de la coopérative.
Il est également important de souligner que la majorité des communes du GAL Pays des Condruses sont désormais coopérateurs au sein de Condroz Énergies Citoyennes, renforçant ainsi l’ancrage local de la coopérative.
La coopérative a aussi envisagé de financer des projets photovoltaïques sur des bâtiments publics (comme des halls de sport, …), mais le projet Renowatt de la Région Wallonne, offrant des conditions trop concurrentielles, a rendu cette initiative difficile à concrétiser à l’époque.
Aujourd’hui, Condroz Énergies Citoyennes poursuit son développement avec de nouveaux projets à l’horizon. Fidèle à sa mission de promouvoir l’énergie renouvelable citoyenne et de contribuer activement à la transition énergétique en Wallonie, elle continue de garantir une gestion locale, démocratique et respectueuse de l’environnement.
Des rendez-vous sont encore prévus pour visiter les installations de production d’autres coopératives : https://www.cociter.be/10-ans/